lundi 12 novembre 2007

Ces gays qui n'aiment pas le sexe !

Ces gays qui n’aiment pas le sexe
La sexualité des gays est tellement imprégnée dans le conscient collectif comme boulimique, qu’elle a fini par en être l’identité. La multiplication des lieux de consommation, backrooms et autres saunas, le nombre de pages consacrées dans la presse gay au fast sex et la déferlante de sites dédiés aux différentes manières de le déguster a fini par faire oublier ceux qui ne s’y adonnent pas à corps perdu.


QUI et pourquoi ?
Parmi les personnes qui ne se plient pas au modèle dominant, on peut retrouver les enfants de soixante-huitards qui prônent le mariage et la fidélité par réaction. Mais nous pouvons aussi y déceler des hommes qui souhaitent réfléchir à une autre conception de la masculinité, comme l’ont fait les féministes pour la féminité. Ou encore, des personnes fatiguées par une vie d’errance sexuelle qui souhaitent, désormais, se poser. Ou encore quelques religieux intégristes pour qui sexe rime avec queue du diable ! Ou encore des garçons qui aspirent à une autre sensualité, etc. Bref, vous voyez que refuser un schéma préétabli c’est finalement chercher le sens d’une existence singulière. Aussi, je m’émerveille toujours, chez mes semblables, d’accomplissements si différents : des joies du célibat à ceux de la conjugalité, en passant par tant d’autres styles de vie. L’important reste de ne pas transiger sur son désir, ce qui ne veut pas dire s’adonner, finalement passivement, à toutes ses pulsions mais trouver des modes d’exploitation de l’énergie libidinale qui, activement, vous correspondent. »

Une société impose des codes prévalents. Ils peuvent être différents au cours de l’histoire, mais également au regard d’autres groupes sociaux. Ainsi, l’ethnologue Maurice Godelier rappelle l’influence des missionnaires anglicans sur les mœurs des Baruyas de Nouvelle Guinée. Ces derniers avaient élaborés des rites où leurs jeunes hommes pour grandir devaient pratiquer, depuis la nuit des temps, une homosexualité initiatique qui horrifia, dès leur arrivée, les hommes d’église. Les stratagèmes utilisés par les colons pour en finir avec ces pratiques furent assez redoutables, notamment lorsqu’ils menacèrent les chefs de tribus de révéler aux femmes le secret des hommes !
Thierry Goguel d’Allondans, anthropologue



L’avis du sexologue

Les gays qui viennent vous consulter sont bien loin de l’image du héros sexuel dans le fantasme collectif…
L’image du gay-héros sexuel provoque un ensemble d’émotions contradictoires. Elle correspond à une forme de liberté érotique mêlée de frénésie sexuelle. Pour certains, cette image fait envie, il s’agit de l’objectif à atteindre, pour d’autres, cette image agace car elle crée un raccourci entre l’orientation homosexuelle et l’obsession sexuelle. Heureusement la sexualité humaine est bien plus riche qu’un stéréotype.
D’où est né ce stéréotype ? Il est l’héritage d’une croyance religieuse qui lie la sexualité à la procréation. S’appuyant sur l’idée erronée de l’inversion, l’orientation homosexuelle a été confondue au coït anal perçu comme « le miroir » stérile du coït vaginal. Ainsi, la sexualité des gays, stérilisée, dissociée de la procréation, se voit attribuer le nouveau sens de la concupiscence. Cette dissociation n’est pas nouvelle et cette problématique n’est pas propre à l’orientation sexuelle. Elle existait déjà chez les romains qui séparaient la sexualité procréative avec leur femme cloîtrée dans le gynécée et la sexualité récréative avec les prostitués. De nombreux traités de médecine soulèvent la question de l’orgasme féminin ; Il en ressort à chaque fois la même idée : la femme qui jouit est une obsédée et une catin.
Au-delà de cette idée reçue, l’image du héros sexuel, qu’il soit gay ou non est d’avantage liée au culte de la performance développé depuis les années 70.
Les patients qui viennent consulter ont pour la majorité une souffrance liée au décalage entre leur sexualité et celle qu’il fantasment, souvent imposée le culte social de la performance sexuelle.
Que sait-on de la sexualité des gays ? Tout d’abord, elle ne se résume pas à la sodomie, qu’elle soit réceptive ou insertive. Selon l’enquête sur le comportement des français (ACSF / 1993), cette pratique sexuelle n’est pas l’activité principale déclarée lors du dernier rapport : 36% ont sodomisé leur partenaire, 28% ont été sodomisés selon l’enquête. La fellation et la masturbation (72% à 82%) composent l’essentiel du répertoire homosexuel dans lequel les caresses corporelles mutuelles sont systématiques. D’autres pratiques existent, mais elles sont le reflet d’une petite partie de la « population homosexuelle », comme le « fist-fucking » insertif ou réceptif pratiqué seulement par 6% des répondants. L’enquête ACSF comparait également le nombre moyen de partenaires qui s’élevait à 11 pour les hétérosexuels et à 13,7 pour les homosexuels.
En réalité, ce que nous apprennent les enquêtes et la clinique est qu’il faut cesser de comparer les orientations sexuelles, car la vraie différence n’est pas là. Elle se situe entre les sexes biologiques, les hommes et les femmes. Le désir des hommes étant bien distinct de celui des femmes.

Quelles sont les raisons pour lesquels les gays consultent le sexologue ?
Les hommes consultent majoritairement pour les dysfonctions érectiles, des troubles de l’éjaculation (précoce ou retardée) ou des troubles du désir. À ces pathologies, s’ajoutent toutes les difficultés de couple.
L’orientation sexuelle intervient surtout dans l’adaptation de la prise en charge. Prenons un exemple : La rigidité pénienne doit être supérieure pour la pénétration anale par rapport à la pénétration vaginale. À trouble d’érection égal, le vécu d’un patient va être différent en fonction de sa pratique sexuelle, de même que son exigence dans la restitution d’une rigidité pénienne…

En quoi l’homosexualité est-elle spécifique ?
Il est évident que l’orientation sexuelle influe sur le parcours de vie et dans l’apprentissage de la sexualité. Prenons deux exemples : Le modèle utilisé et fantasmé dans la construction hétérosexuelle demeure fréquemment le modèle parental. Ce modèle est inefficace dans la construction homosexuelle. La première orientation est reproduite, la seconde est produite. Autre exemple, l’asymétrie des désirs dans un couple hétérosexuel entraîne une négociation différente de celle d’un couple homosexuel. Deux hommes qui marchent dans la rue peuvent se retourner sur un troisième, chose impossible dans un couple hétérosexuel…
Il ne s’agit donc pas de hiérarchiser les comportements sexuels et encore moins de les juger. Mais il faut se rendre à l’évidence : l’expérience sexuelle est bien plus riche que les représentations sociales et il n’existe aucune obligation de correspondre à un standard donné.
Docteur Gonzague de Larocque est médecin sexologue
Auteur de « les homosexuels » collection « idées reçues » - Le cavalier bleu Edition
Président d’E.R.O.S ( Etudes et Recherche sur les Orientations Sexuelles).
gonzaguedelarocque@yahoo.fr



Témoignage
Léo nous reçoit dans son deux-pièces, boulevard des Batignolles. Des dizaines de livres sur l’Histoire de l’Art constituent l’essentiel du mobilier. Léo a 34 ans et comme beaucoup de gays de son âge, il cherche l’amour : « C’est très dur d’avoir une relation suivie avec quelqu’un… si au bout de deux jours vous n’avez pas couché, on se demande quelle tare vous avez... ». Pourtant, la boulimie sexuelle il connaît : quand il est arrivé à Paris voilà douze ans, il avait écumé les circuits de consommation « Je me croyais au paradis, personne ne disait non. Quand un mec me plaisait, il suffisait d’un regard pour qu’on s’envoie en l’air ! » Et puis un jour... plus rien. Plus envie d’accomplir le rituel du samedi : shopping-uv-douche-rasage-et-cul. Il s ‘abrite dans ses ouvrages sur l’art et se promet qu’il ne couchera plus jamais sans amour. Il se met alors à décliner les plans sexe et consacre toute son énergie à l’écriture d’un livre sur l’Art. « Je n’ai pas le temps d’y penser, alors, ça ne me manque pas. »
Selon Thierry Goguel, anthropologue « La libido est une énergie de transformation. Face au désir sexuel, nous avons plusieurs possibilités. Notre histoire, notre éducation, notre monde, nos cultures, vont imprimer les possibles et les options plus délicates »
Mais même si Léo dit ne pas y penser, il confesse son désir de rencontrer celui qui réveillera son ardeur et rêve d’une sexualité dictée par le seul amour.
A 22 ans, Joaquin ne parvient pas à se reconnaître dans le modèle gay qui pratique la sexualité à temps plein. Ses rencontres avec les garçons se soldent invariablement par la volatilisation de l’autre, découragé par son manque d’enthousiasme à passer à l’acte : « Je me suis même demandé si j’étais vraiment gay. Je suis attiré par les hommes pour être avec eux pas forcément pour avoir un rapport » Les quelques expériences vécues ne lui ont pas laissé le goût de la récidive.
« Ce qui m’énerve, c’est les réflexions du style : «t’es une allumeuse. Le pire ce sont mes copines qui n’arrêtent pas d’insister pour que je me fasse un mec ». Soumis aux railleries et à une pression constante, ses interrogations sur sa capacité à éprouver du désir le poussent au recroquevillement. « Nous sommes encore dans le mythe de l’enlèvement des Sabines, - explique M Goguel - l’adolescent qui a perdu sa virginité est élevé au rang de conquérant, le puceau reste en deçà, inachevé ».

1 commentaire:

omm a dit…

Excellent article ! Je souhaite en faire la promotion dans mon blog et publier une partie du texte avec votre accord. Etes-vous d'accord ?
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